L’Alliance occidentale s’effrite: l’Union
Européenne abandonne les Etats-Unis dans leur tentative de renversement
d’Assad.
Par Eric
Zuesse, le 3 octobre 2015
Dans cet
éditorial, Eric Zuesse nous informe que l’exploitation du monde par Washington
rencontre de l’opposition. Un parlementaire irakien demande à Washington
« de laisser tomber son hypocrisie ». Le Secrétaire d’Etat français
aux Affaires Européennes rejette le Partenariat Transatlantique de Commerce et
d’Investissement (PTCI ou en anglais TTIP) pour tenter de placer les
multinationales américaines aux commandes de la France et les mettre hors
d’atteinte du droit français. Le PTCI, comme le ministre l’affirme avec raison,
élimine la souveraineté des pays signataires.
Obama ne peut vaincre Assad (Syrie) sans
l’aide de l’UE. L’UE rejette également les exigences d’Obama concernant le PTCI
et l’ACS (Accord sur le commerce des Services - en anglais TISA). L’héritage de
la présidence d’Obama semble voué à l’échec.
L’Europe est
envahie de réfugiés provenant des campagnes de bombardement en Libye et en
Syrie, qui ont créé un état fantoche en Libye, et qui menacent de provoquer la
même chose en Syrie. L’Europe est de ce fait obligée de se désolidariser de la
campagne de bombardement américaine qui vise les forces gouvernementales
syriennes du président chiite Bachar el-Assad, au lieu de ses opposants
sunnites des groupes djihadistes (tous sunnites) de l’EIIL (Etat Islamique) et
d’Al Qaida en Syrie (al Nusra).
Un membre
du parlement irakien a déclaré :
« La
pression exercée sur le régime syrien qui combat l’Etat Islamique doit être
éliminée. Ils ne devraient pas essayer de renforcer la petite Armée syrienne
libre (ASL). Il n’y a pas d’ASL.
Il y a un
Etat Islamique en Syrie et en Irak. Vous ne pouvez pas combattre l’EI en Irak,
et le soutenir en Syrie. Il n’y a qu’une seule guerre et un seul ennemi. Les
Etats-Unis devraient abandonner leur position hypocrite. Les gens ne sont pas bêtes ».
Le public européen est opposé aux frappes
américaines, qui ont provoqué l’exode de réfugiés vers l’Europe. Les dirigeants
européens commencent à se désolidariser de leur alliance avec les Etats-Unis.
Le
Sénateur américain John McCain, qui, depuis qu’il était pilote de bombardier au
Vietnam, a toujours détesté la Russie bien plus que le Président américain
Barack Obama (qui les déteste pour d’autres raisons), pousse Obama à une guerre
contre la Russie en Syrie ; il déclare : « Nous devons créer une
zone d’interdiction aérienne », où nous empêcherons les avions russes de
bombarder des zones qui sont contrôlées par des djihadistes soutenus par les
Américains (que le gouvernement américain appelle par euphémisme « l’Armée
syrienne libre »).
En fait,
comme l’a annoncé l’Agence France Presse le 12 septembre 2014, « les rebelles
syriens et les djihadistes de l’Etat Islamique ont conclu pour la première fois
un pacte de non-agression dans une
banlieue de la capitale Damas, a déclaré un groupe de surveillance
vendredi dernier. « L’Etat Islamique et l’ASL ont toujours été proches ;
mais maintenant ils sont essentiellement une seule et même entité ; c’est
juste que ce n’est pas relayé par la presse américaine. Les distinctions
subtiles du gouvernement américain sont de ce fait trompeuses ; le
but essentiel d’Obama en Syrie est évidemment de remplacer l’allié de la
Russie, Assad, et non de vaincre l’Etat Islamique (avec les vestiges de l’Armée
syrienne libre). McCain veut juste qu’Obama aille jusqu’au bout de la logique
de guerre nucléaire avec la Russie, pour renverser Assad. (Peut-être pense-t-il
qu’Obama va « reculer » pour ensuite l’accuser d’abandonner à son
sort le peuple syrien, qui a tellement bénéficié des bombardements américains
qu’il a fui la Syrie par millions. McCain et d’autres Républicains sont
tellement « pro pour la vie» - des
zygotes de toute façon. Lorsque le parlementaire irakien a déclaré que les gens
n’étaient pas bêtes il ne pensait pas à des gens comme eux).
Le 1er
octobre, NPR (National Public Radio) présentait McCain disant : « Je peux
vous confirmer avec une absolue certitude qu’ils (les bombardements aériens
russes) ont visé Notre Armée Syrienne libre ou des groupes qui ont été armés et
entraînés par la CIA parce que nous sommes en communication avec ces
gens-là. » (Oh, donc il en reste même après qu’ils aient été absorbés par
le mouvement de la Guerre Sainte ? Et la CIA continue à les financer ?
Vraiment ? Ouah !)
La Russie a annoncé le 2 octobre que leur
série de bombardements contre les alliés de l’Amérique en Syrie visant l’Etat
Islamique et Al Nusra (ce dernier étant Al Qaïda en Syrie) – allait
s’intensifier et durera « trois ou quatre mois ». Le Président américain Barack
Obama insiste pour exclure la Russie de toutes les négociations de paix sur la
Syrie ; les Etats-Unis n’avanceront pas sur les pourparlers de paix avant
que le Président syrien Bachar el-Assad ne démissionne. Mais la Russie est la
seule puissance militaire qui s’oppose aux djihadistes qui tentent de vaincre
Assad, et la Russie se propose également de fournir au Liban des armes pour
lutter contre les djihadistes, qui sont également les alliés de l’Amérique au
Liban.
Les
Etats-Unis prétendent que le renversement d’Assad profiterait à la
« démocratie ». Mais lorsque le régime du Qatar, qui finance al
Nusra, a demandé une étude à un institut de sondage pour interroger les Syriens
en 2012, le résultat a indiqué que 55% des Syriens voulaient qu’il reste
Président.
Puis,
comme je l’ai mentionné le 18 septembre 2015, « les sondages montrent que
les Syriens tiennent en majorité les Américains pour responsables pour leur
soutien de l’Etat Islamique », et ces récents sondages émanent d’un
Institut Britannique qui est liée à Gallup. Il n’y a pas eu de question à
propos du maintien au pouvoir d’Assad ; mais il est clair qu’il bénéficie
d’un soutien qui s’est renforcé entre 2012 et 2015, car le peuple Syrien
perçoit maintenant avec plus de clarté qu’auparavant que le régime des
Etats-Unis est pour lui un ennemi, non un ami. Les prétentions d’apparences
d’Obama et des Républicains, souhaitant favoriser la démocratie sont un
mensonge flagrant.
Ce n’est
pas le seul problème de succession de la politique Obama : sa guerre
contre la Russie, en renversant Kadhafi, puis Ianoukovytch, puis sa tentative
de renversement d’Assad – provoque maintenant la rupture de l’Alliance
Occidentale, à propos de la crise des réfugiés qui en découle. Un conflit plus
important au sein de l’Alliance s’annonce avec la proposition du traité soumis aux
pays européens par Obama : le PTCI, qui donnerait aux sociétés multinationales
le droit de poursuivre en justice des gouvernements nationaux devant des
tribunaux arbitraux privés non susceptibles de recours en appel, et dont les
décisions superviseraient des lois de tous les états signataires. Les
dirigeants des gouvernements élus n’auraient aucun contrôle sur elles. Cette
tentative de créer une entité multinationale privée supranationale fait partie
d’un plan similaire à celui proposé aux nations asiatiques avec le traité du
PTP en Asie (Partenariat Trans-Pacifique), tous deux étant accessoirement
destinés à isoler du commerce international non seulement la Russie, mais
également la Chine, ce qui permettrait aux grandes multinationales américaines de
contrôler potentiellement le monde entier.
Telles que
les choses se présentent actuellement concernant ces « accords »
commerciaux, Obama devra soit renoncer à certaines de ses exigences, ou la
Commission européenne sera dans l’incapacité d’obtenir l’accord de suffisamment
de membres pour soutenir le traité qu’Obama propose à l’UE, le PTCI
(Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement). Certaines
nations européennes importantes, pourraient également rejeter le traité proposé
par Obama sur la réglementation des services financiers et divers : l’ACS
(Accord sur le Commerce des Services). Les trois accords
« commerciaux » proposés par Obama, y compris le PTP (Partenariat
Trans-Pacifique) entre les Etats-Unis et les pays asiatiques sont l’apothéose de
la présidence d’Obama, et leurs prérogatives vont tous bien au-delà du commerce
et de l’économie. Le principal accord proposé à l’Europe pourrait bien être
mort et enterré à présent.
Le 27
septembre, le journal français Sud-Ouest publiait une interview exclusive avec
Matthias Fekl, Secrétaire d’état français chargé du commerce, dans laquelle il
déclarait que « la France examinait toutes les options, y compris la
rupture définitive des négociations » à propos du PTCI. Il expliquait que,
depuis le début des négociations en 2013, « ces pourparlers ont été menés
dans un manque de transparence total » et que la France n’avait, à ce
jour, reçu « aucune proposition sérieuse des Américains ».
Les
raisons de cet étonnant rejet public avaient probablement déjà été définies
avec précision il y a plus d’un an. Après tout, la France n’a, au cours de toutes
ces négociations, reçu « aucune proposition sérieuse des
Américains » ; ni maintenant, ni depuis le début des négociations en
2013.
Les
Etats-Unis sont restés fermes. Jean Arthuis, un membre du Parlement Européen,
et ancien Ministre français de l’Economie et des Finances, annonçait à la une
du Figaro le 10 avril 2014 : « 7 bonnes raisons pour s’opposer au
traité transatlantique ».
Il n’y a
rien qui laisse à penser que la situation pourrait avoir changé depuis, sur les
exigences fondamentales exprimées par le Président Obama. Arthuis déclarait à
l’époque :
Premièrement, je m'oppose à un arbitrage privé
des litiges entre les Etats et les entreprises. (Cela instaurerait une cour
d’arbitrage indépendante bien établie au dessus du droit national ne permettant
pas de recourir à une cour d’appel dans le cas où une grande entreprise lésée
poursuivrait une nation où des dommages et intérêts devraient être versés à une
entreprise multinationale et, dans le cadre d’une violation de ses droits nationaux,
reliant ce traité au commerce). Ce genre
de procédure est rigoureusement contraire à l'idée que je me fais de la
souveraineté des Etats.
Deuxièmement, je m'oppose à toute remise en
cause du système européen des appellations d’origine contrôlée. Demain, suivant
la proposition des Etats-Unis, il n'y aurait plus qu'un registre non
contraignant, et uniquement pour les vins et spiritueux. Une telle réforme
tuerait nombre de productions locales européennes dont la valeur repose sur
leur authenticité d’origine contrôlée.
Troisièmement, je m'oppose à la signature d'un
accord avec une puissance (étrangère) qui espionne massivement et
systématiquement mes concitoyens européens, ainsi que les entreprises
européennes. Les révélations d'Edward Snowden sont à cet égard édifiantes.
Aussi longtemps que l'accord ne protège pas les données personnelles des
citoyens européens et américains, il ne saurait être signé.
Quatrièmement, les Etats-Unis proposent un
espace financier commun transatlantique, mais ils refusent catégoriquement une réglementation
commune de la finance, de même qu'ils refusent d'abolir les discriminations
systématiques par les places financières américaines à l'encontre des services
financiers européens. C'est vouloir le beurre et l'argent du beurre: je m'oppose
à cette idée d'un espace commun sans règles communes et qui maintiendrait des
discriminations
commerciales.
Cinquièmement, je m'oppose à la remise en cause
de la protection de la santé sanitaire européenne. Washington doit comprendre
une fois pour toutes que nonobstant son insistance, nous ne voulons dans nos
assiettes ni des animaux traités aux hormones de croissance, ni de produits
dérivées d'OGM, ni de la viande décontaminée chimiquement, ni de semences
génétiquement modifiées, ni d'antibiotiques non thérapeutiques contenus dans
l'alimentation animale.
Sixièmement, je m'oppose à la signature d'un
accord s'il n'inclut pas la fin du dumping monétaire américain. Depuis la
suppression de la convertibilité-or sur le dollar US et le passage au système
des changes flottants, le dollar est à la fois monnaie nationale étasunienne,
et l’unité principale de réserve et d'échanges dans le monde.
La Banque
de la Réserve Fédérale pratique donc sans cesse le dumping monétaire, en
agissant sur l’émission de dollars disponible pour favoriser ses exportations.
La suppression de cet avantage déloyal suppose, comme l’a indiqué la Chine, de
faire des «Droits de Tirage Spéciaux» du FMI, une nouvelle monnaie mondiale de
référence plus représentative. En termes de compétitivité, l'arme monétaire (la
devise) a le même impact que les droits de douane contre toutes les autres
nations. (Et nous ne le signerons pas tant que cette disposition ne sera pas
supprimée).
Septièmement, au-delà du seul secteur
audiovisuel, étendard de l'actuel gouvernement qui sert de cache-sexe à sa
lâcheté sur tous les autres intérêts européens dans le cadre de la négociation,
je veux que toute l'exception culturelle soit défendue. Notamment, il est
inacceptable de laisser les services numériques naissants d'Europe se faire
balayer par les géants américains tels que Google, Amazon ou Netflix. Des géants,
et maîtres absolus de l’optimisation fiscale, (et de l’évasion fiscale pour
certains) qui font de l'Europe une «colonie numérique».
Le négociateur
du Président Obama est son ami personnel, Michael Froman, un homme qui tente
même de forcer l’Europe à abaisser ses normes écologiques de carburant contre
le réchauffement climatique mondial et dont les agissements en arrière plan,
vont exactement à l’encontre de la rhétorique publique d’Obama. Froman et Obama
sont copains depuis qu’ils ont collaboré tous deux comme rédacteurs à la
Harvard Law Review. Il connaît les objectifs réels d’Obama. « Froman a
également présenté M. Obama à Robert E. Rubin, l’ancien Secrétaire d’Etat au
Trésor » qui avait fait entrer dans l’Administration Clinton Timothy
Geithner et Larry Summers, et s’était fait le champion (avec eux) de la fin de
la réglementation des banques (Glass Steagall Act voté en 1933) que l’ancien Président
Démocrate Franklin D. Roosevelt, avait mise en place. (Le Président Clinton a
signé une loi juste avant de quitter ses fonctions le 12/11/1999, et cela a
permis de commencer le long processus menant aux Titres adossés à des créances
hypothécaires et aux produits dérivés spéculatifs CDS SWAP) dont le point
culminant a été le crack des marchés en 2008, et cette même législation a
également permis aux méga-banques d’être sauvées de la faillite par les
contribuables américains via TAARP– exactement sur le fondement que la loi de Roosevelt
avait rendue illégale. (pour séparer la
banque de dépôt, et la banque d’investissement Ndt).
Froman a
toujours été un partisan des grosses multinationales, un champion des
méga-banques, qui ne favorise que la réglementation qui bénéficie aux très
riches américains, pas celle qui profite au grand public. La présentation du
roi de Wall Street Robert Rubin au Sénateur (à l’époque) Obama, a été cruciale
pour permettre à Obama d’être en position de gagner la course à la Présidence
des Etats-Unis ; les contacts de Robert Rubin parmi les très riches
étaient essentiels pour que Obama ait une réelle chance de remporter les
présidentielles. Cela a permis à Obama de gagner la compétition contre la
candidate Hillary Clinton. Autrement, il n’aurait pas pu y arriver. Le fait
qu’il ait bénéficié du soutien de Robert Rubin était crucial pour devenir
Président.
Les
chances que le Président Obama soit maintenant apte à obtenir le soutien d’une
quelconque entité politique, hormis le Congrès américain, pour sa proposition
de traité PTCI, se réduisent de jour en jour. Après tout, l’Europe semble être
moins corrompue que les Etats-Unis.
La seule
analyse économique indépendante qui ait été faite sur la proposition du PTCI conclut
que les seuls bénéficiaires seraient les grandes entreprises multinationales,
particulièrement celles qui sont basées aux Etats-Unis. Les employés, les consommateurs,
et tous les autres, seraient les perdants, s’il était signé.
Apparemment,
il y a suffisamment de dirigeants européens qui s’en préoccupent, pour être
capables de le bloquer. Ou alors, Obama va céder sur le fond, à tous les sept
points qui font que l’Europe dit non. A ce stade, cela semble extrêmement
improbable.
A propos de l’auteur :
L’historien-chercheur
Eric Zuesse est l’auteur, récemment, de They’re Not Even
Close: The Democratic vs. Republican Economic Records, 1910-2010 (Elles sont loin d’être proches:
les annales économiques des Démocrates et des Républicains, 1910-2010) et de CHRIST’S
VENTRILOQUISTS: The Event that Created Christianity (LES VENTRILOQUES DU CHRIST: L’Evènement
qui a créé la Chrétienté).
Copyright © Eric Zuesse, Global Research, 2015
NB : Complément d’information sur l’accord
de Libre Echange TransPacifique au 5
Octobre 2015 - AFP (tous droits réservés)
Traduction
Française Patrick T rev Isabelle
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